Les petits doigts à la maison et sur le net : Parents 3.0

© Laurence Bee

© Laurence Bee

Rencontre #2 avec Laurence Bee, journaliste, bloggeuse, twitteuse et maman de trois enfants qu’elle accompagne dans leur découverte du numérique.

Laurence est quelqu’un pour qui j’ai un attachement tout particulier. C’est une des premières personnes avec qui j’ai eu un contact humain sur Twitter et que j’ai rencontrée en chair et en os bien bien plus tard… Une rencontre numérique qui s’est faite analogue par la suite… mais toujours amicale et bienveillante !

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Blog : Parents 3.0, la vie de famille à l’heure numérique
Compte Twitter : @parents3point0
Compte Facebook : Parents3point0
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Peux-tu te présenter en quelques mots ? (background, intérêts, projets)  
Je suis journaliste depuis… longtemps. J’ai suivi l’émergence de l’Internet grand public (j’avais intitulé mon premier papier sur le sujet, en 1995, « 30 millions d’amis », ce qui correspondait au nombre de personnes connectées dans le monde…) , et j’ai notamment travaillé, dans une vie antérieure, pour la rubrique « multimédia » d’un grand hebdo culturel, et le supplément « Interactif » d’un grand quotidien du soir. J’ai toujours été intéressée -voire fascinée…- par les possibilités offertes par la notion de connexion en général, et, plus récemment, par les perspectives offertes par l’émergence des réseaux sociaux. Aujourd’hui, j’observe plus précisément comment le numérique s’immisce dans la vie de famille. Je donne des conférences sur le sujet, j’assure des formations, en particulier auprès des parents, et j’écris des livres.
© Laurence Bee

Selfie de Laurence Bee, maman 3.0 et auteure du Répertoire des Emotions Numériques

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Comment t’est venue l’idée du blog Parents 3.0 ? Est-ce que tu as vu les préoccupations des parents changer au fil des ans ou bien restent-elles fondamentalement les mêmes ?  
Il y a trois ans, quand l’iPad a débarqué chez moi pour des raisons au départ purement professionnelles, j’ai observé mes enfants s’emparer avec gourmandise de l’outil, et s’engouffrer dans les univers numériques qui s’offraient à eux. Cet attrait pour les écrans tactiles m’a interpellée, et c’est à ce moment là que les gènes de la journaliste ont croisé les gènes de la mère de famille pour donner naissance à un blog, que j’ai baptisé Parents 3.0 (3.0 pour prendre un peu d’avance sur 2.0^^, et aussi clin d’oeil à mes trois enfants). Depuis trois ans, l’attrait des enfants pour les écrans ne se dément pas (sans surprise !), et les questionnements -légitimes- des parents non plus. Le rapport aux écrans dans les familles est souvent encore teinté de conflit, avec au coeur du problème, le temps passé par les enfants devant les écrans, et l’irruption des réseaux sociaux là où les parents ne les attendaient pas forcément : au détour d’une appli, ou d’un jeu social. Ce rapport souvent conflictuel est hélas dommageable à une bonne utilisation du numérique.
Tu as une vision très positive du numérique, des écrans… que dis-tu aux parents que tu rencontres ?
J’ai effectivement une vision bienveillante des écrans, et c’est le message que j’essaie de faire passer : si on change le regard que l’on porte sur le numérique, l’accompagnement des enfants est plus fluide. Car les enfants ont évidemment besoin d’être encadrés, qu’ils soient ou non devant un écran. Les parents ont souvent l’impression d’être dépassés par leurs enfants en la matière, en confondant l’appétit de leurs enfants pour des outils de leur temps (si nous, parents, étions nés avec ces outils, nous aurions le même attrait), avec leurs compétences. Nos enfants sont de grands consommateurs d’écrans, parce que les écrans sont pleins de promesses fabuleuses quand on est enfant (et même adulte !) : des jeux, de l’apprentissage en s’amusant, des histoires… Pourquoi s’en priver ? Et les parents doivent tout simplement jouer leur rôle, en posant des limites (qui sont différentes selon les familles, à chaque foyer de trouver les siennes), et en s’intéressant aux activités de leurs enfants sur les écrans, de la même manière qu’ils s’intéressent aux activités scolaires par exemple. Ce n’est pas si compliqué de passer du « bon temps numérique » ensemble, la tablette est d’ailleurs un lieu de complicité familial épatant…

© Laurence Bee

Petit bout de zan
© Laurence Bee

Comment utilises-tu la tablette en famille ?  

De la manière la plus complice possible justement : on choisit ensemble les applis, on en discute selon ce que les enfants ont envie de faire, on regarde sur l’AppStore, j’ai appris aux enfants à tenir compte de certains critères dans leurs choix (l’âge mentionné, lire les avis, achats in-app ou non, en expliquant bien sûr ce que c’était). Quand je mets mon véto sur une appli, j’explique pourquoi, pour que les enfants comprennent ce que j’estime important pour eux, et qu’ils l’intègrent plus tard dans leurs décisions. Et j’ai également posé dès le départ comme préambule que la tablette était faite pour s’amuser, se détendre, apprendre, mais que si on s’énervait avec, on arrêtait tout de suite. Et on aime se retrouver autour d »une belle histoire, tous les quatre sur le canapé. Mes enfants s’en servent aussi pour faire des recherches pour leurs devoirs (pour les deux « grands »), sous ma supervision, et pour chercher des recettes de cuisine que l’on fait ensemble.
Une enquête récente de l’OFCOM* en Angleterre indiquait qu’environ 70% des parents d’enfants de 5-7 ans faisaient confiance à leurs enfants pour utiliser internet correctement, les bénéfices d’internet étant supérieurs aux risques. Qu’en penses-tu ?
étude OFCOM - les enfants et internet

« Je fais confiance à mon enfant pur utiliser internet en toute sécurité »
Etude OFCOM (Angleterre)

"Les avantages de l'Internet pour mon enfant l'emportent sur les risques" Etude OFCOM

« Les avantages de l’Internet pour mon enfant l’emportent sur les risques »
Etude OFCOM

Faire confiance, c’est ce que l’on peut offrir de mieux à nos enfants. Mais cela ne doit pas dédouaner les parents d’un accompagnement, surtout à cet âge là ! Internet, c’est formidable, mais cela ne signifie pas qu’il faut laisser un enfant tout seul devant un écran connecté : on y trouve de tout, du très bien, comme du beaucoup moins bien. Il ne viendrait à l’idée d’aucun parent de laisser son enfant se débrouiller seul dans une piscine ou sur la route. C’est pareil avec le surf sur Internet et les « autoroutes de l’information », une appellation un peu surannée aujourd’hui, mais qui est pourtant parlante. Et je ne vois pas comment un enfant de 7 ans saurait utiliser Internet correctement si on ne lui a pas expliqué avant les bases, encore moins s’il est tout seul.
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J’ai beaucoup aimé ton dernier livre autour des émotions numériques qui s’adresse plus aux personnes connectées (adolescents et adultes). Quels conseils donnerais-tu aux parents de jeunes enfants pour apprendre dès le plus jeune âge à bien vivre ces émotions…? 
Petit Répertoire des Emotions Numériques, Laurence Bee

Petit Répertoire des Emotions Numériques, Laurence Bee

Merci :- ) Je pars du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Cette année, pour ses neuf ans, nous avons offert à ma fille aînée « sa » tablette. C’est un premier pas vers l’autonomie numérique, même si la condition, c’est « jamais seule avec la tablette ». Mais auparavant, j’ai pris soin de lui expliquer plusieurs choses, en particulier que peut-être il pourrait lui arriver de croiser des mots ou des images qui pourraient la choquer, et que si c’était le cas, il ne fallait pas hésiter à en parler. Parce qu’effectivement, la dimension émotionnelle des écrans est souvent négligée, alors qu’elle est, de mon point de vue, essentielle : les écrans, c’est d’abord une histoire humaine, c’est ce que nous, humains, en faisons, et en percevons. On peut rire ou pleurer devant un écran, c’est tout le sel de la vie numérique…

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* L’OFCOM est l’Office fédéral de la communication en Angleterre
L’étude citée dans cet article a été publiée en octobre 2013 sous le titre : Children and Parents: Media Use and Attitudes Report

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